Source: https://www.ledevoir.com/societe/education/819233/cegeps-forces-sabrer-achat-materiel-entretien-batiments

Les cégeps du Québec ont été pris de court, en plein été, par une missive de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, les sommant de réduire dans certains cas de plus de la moitié leurs dépenses destinées à la réfection de leurs bâtiments et à l’achat de matériel, a constaté Le Devoir. Des directeurs généraux de ces établissements montent maintenant au front pour presser Québec de faire marche arrière sur cette décision « déplorable ».

Les membres de la direction des cégeps de la province étaient pour la plupart en vacances lorsque la ministre Déry leur a acheminé, le 31 juillet, une lettre leur imposant un niveau autorisé maximum de dépenses nettement inférieur, dans bien des cas, au budget d’investissement qu’avaient approuvé plus tôt cette année les conseils d’administration des établissements.

« C’est une baisse drastique » des dépenses qui a été imposée aux 48 cégeps publics de la province, confirme au Devoir la présidente-directrice générale de la Fédération des cégeps, Marie Montpetit.

« C’est très incohérent, parce que ça vient toucher des chantiers qui sont déjà en cours, des projets majeurs qui sont planifiés depuis des années et des achats d’équipements qui sont nécessaires pour les cours », soutient-elle. L’achat de matériel pour des laboratoires dans des programmes en santé et en génie est notamment menacé, tout comme des travaux d’entretien de bâtiments et de terrains sportifs, ajoute-t-elle.

« C’est énormément d’argent »

Le Collège Ahuntsic, qui avait évalué à 13,36 millions de dollars dans son dernier budget les dépenses qu’il pouvait réaliser cette année pour entretenir ses bâtiments et acheter du matériel destiné notamment à ses nombreux laboratoires, s’est ainsi vu imposer le mois dernier une limite d’environ 5,4 millions de dollars pour ces dépenses.

Cette diminution de 60 % de la marge de manoeuvre financière de ce cégep fait écho à celle de 54 % relevée par le Cégep de l’Outaouais et à celle de 50 % notée au Cégep Édouard-Montpetit, à Longueuil.

« C’est énormément d’argent » que les cégeps sont appelés à retrancher de leurs dépenses cette année, confirme la directrice générale du Collège Ahuntsic, Nathalie Vallée, qui qualifie cette décision de Québec de « déplorable ». Actuellement, ses équipes analysent les options qui s’offrent à elles pour s’adapter à cette nouvelle exigence de Québec tout en limitant les effets que les « choix déchirants » auront sur le cégep, où d’importants investissements sont nécessaires pour la rénovation de la cafétéria et l’acquisition de matériel spécialisé — et « très coûteux » — dont plusieurs laboratoires de l’établissement ont besoin, relève la gestionnaire.

« Il y a un tas de projets qu’on devra mettre sur la glace », poursuit Mme Vallée, qui appréhende les effets que ces restrictions budgétaires risquent d’avoir sur la population étudiante des cégeps de la province, dont la santé mentale n’a pas été « au beau fixe ces dernières années ».

« On doit s’assurer que ces infrastructures sont les plus propres, accueillantes et lumineuses possibles, mais avec une nouvelle comme celle-là, ça va être difficile de le faire », dénonce-t-elle.

Des plafonds « déjà dépassés »

Les cégeps ont d’ailleurs appris cette mauvaise nouvelle en plein été, période pendant laquelle ces établissements concentrent la réalisation de la plupart des travaux d’entretien qu’ils doivent effectuer, et ce, afin de profiter de l’absence d’étudiants dans les salles de classe.

Ainsi, l’année scolaire vient à peine de commencer que des cégeps ont « déjà dépassé » les nouveaux « plafonds » de dépenses qui leur ont été imposés récemment par Québec.

« Ça crée un véritable enjeu d’accessibilité », poursuit Marie Montpetit, qui appréhende des ruptures de service dans certains cégeps, qui pourraient aussi décider de suspendre la création de nouveaux programmes pour des raisons financières. « C’est vraiment une onde de choc en ce moment dans le réseau collégial. »

Des directeurs généraux de cégeps de toutes les régions de la province rencontreront donc jeudi des membres de l’équipe de la ministre Pascale Déry dans l’espoir d’obtenir des « réponses » à leurs questions, indique Mme Montpetit.

« On demande au gouvernement de revoir cette décision », qui est « improvisée », souligne la nouvelle p.-d.g. de la Fédération des cégeps. Elle s’est d’ailleurs alarmée dans les dernières semaines du déficit criant d’entretien des cégeps de la province, de même que du manque croissant d’espace avec lequel plusieurs d’entre eux sont aux prises dans les grands centres en raison de la croissance de la population étudiante.

Joint par Le Devoir, le cabinet de la ministre Déry explique avoir acheminé cette directive aux cégeps dans l’objectif d’assurer « une saine gestion des fonds publics et pour mieux suivre l’évolution des projets d’infrastructure ».

Cette nouvelle pratique s’applique à tous les ministères qui sont concernés par le Plan québécois des infrastructures, ajoute le cabinet, qui promet d’être ouvert aux compromis avec les cégeps. « Le ministère fera preuve de flexibilité pour que les établissements soient en mesure d’honorer leurs engagements contractuels », assure l’attaché de presse Simon Savignac.