Québec force les cégeps à sabrer dans les dépenses destinées à la rénovation et à l’agrandissement de leurs bâtiments. La directive, annoncée au beau milieu de l’été, a aussi pris de court les universités, dont plusieurs ont été contraintes d’annuler leurs appels d’offres pour divers travaux.

Source: https://www.lapresse.ca/actualites/education/2024-09-05/restrictions-budgetaires-pour-les-cegeps-et-les-universites/c-est-une-onde-de-choc-dit-la-federation-des-cegeps.php

La mesure a été annoncée dans une missive transmise à l’ensemble des cégeps de la province le 31 juillet dernier, un mois après le début de l’exercice financier.

Le ministère de l’Enseignement supérieur y obligeait les établissements à réduire radicalement leur budget d’investissement, pourtant approuvé par leur conseil d’administration.

« Les cégeps se sont fait imposer des limites budgétaires en plein été, sans consultation », dénonce la présidente de la Fédération des cégeps, Marie Montpetit. « C’est une onde de choc. »

De nombreux projets de rénovation et d’agrandissement auraient déjà été mis sur la glace en raison de la nouvelle directive, affirme-t-elle.

On parle d’ajout de classes, d’achat de matériel, de construction de laboratoires pour des programmes en santé.

- Marie Montpetit, présidente de la Fédération des cégeps

Pendant ce temps, la majorité des cégeps sont en mauvais état ou pleins à craquer.

« Le gros bon sens plaide pour un coup de barre dans les travaux, et cette décision va dans le sens inverse », dénonce Mme Montpetit, qui craint des « conséquences graves » pour les années à venir.

Des directeurs de cégeps de toutes les régions se sont réunis mercredi en vue d’une rencontre prévue jeudi avec le ministère de l’Enseignement supérieur à cet effet.

« On invite le gouvernement à revoir cette décision qui semble improvisée », plaide Marie Montpetit.

« Si une toilette brise, on ne la change pas »

Les restrictions budgétaires varient d’un établissement à l’autre. Au Cégep de l’Outaouais, le budget d’investissement devra être réduit de 54 % pour l’année en cours.

« Je comprends que cette situation peut susciter des préoccupations et des incertitudes », a indiqué la direction générale de l’établissement dans un courriel transmis au personnel et consulté par La Presse.

« Soyez assurés que nous mettrons tout en œuvre pour minimiser l’impact de ces réductions sur notre mission éducative et sur la qualité de nos services », a-t-elle poursuivi.

Au cégep du Vieux Montréal, les employés ont été informés des nouvelles compressions lors d’une rencontre avec la direction mardi.

« Il a été demandé à tous les services du collège d’arrêter tous les achats », affirme François Fillion-Girard, président du syndicat des employées et employés du cégep du Vieux Montréal.

Cela comprend l’achat de livres pour la bibliothèque ou encore d’outils pour les techniciens.

« Si une toilette brise, on ne la change pas », aurait même illustré la direction lors de la rencontre, selon deux personnes qui y étaient présentes.

Par courriel, le cégep du Vieux Montréal a indiqué qu’il analysait actuellement la nouvelle mesure directive « pour bien comprendre [ses] effets ». « En attendant, nous sommes prudents dans les dépenses qui sont autorisées », a-t-il poursuivi.

Même chose au Collège Montmorency, qui prévoit des « impacts majeurs sur plusieurs projets en cours et à venir ».

Les restrictions budgétaires, déplore-t-il, « [vont] à l’encontre des recommandations du Vérificateur général du Québec », qui évaluait récemment que les deux tiers des cégeps étaient vétustes.

« Bien que nous comprenions que le gouvernement fait face à des contraintes financières, cette situation est déplorable », affirme l’établissement, qui accuse un déficit d’espace de 15 000 mètres carrés.

« C’est le retour de l’austérité », laisse tomber Benoît Lacoursière, président de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec.

C’est non seulement insensé, c’est irresponsable. Va-t-on se retrouver avec des cégeps et des universités qui tombent en ruine dans 10 ans ? On s’inquiète sérieusement de l’impact qu’auront ces coupes budgétaires sur la qualité des services éducatifs.

- Benoît Lacoursière, président de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec

Dans un document gouvernemental expliquant cette nouvelle façon de faire aux établissements d’enseignement, Québec écrit que « l’actuelle situation budgétaire laisse croire que le niveau d’investissement en infrastructure sera limité pour les prochaines années. »

Des appels d’offres annulés

Les cégeps ne sont pas les seuls établissements visés.

Dans les dernières semaines, HEC Montréal a été forcé d’annuler deux appels d’offres « en raison des restrictions budgétaires rétroactives imposées par le gouvernement du Québec cet été ».

« Il est important de souligner que ces travaux n’affectaient en aucun cas la sécurité de notre communauté étudiante et du personnel », a indiqué l’établissement, sans toutefois préciser la nature des travaux en question.

L’université indique être en discussion avec le Ministère « pour réduire au maximum les effets directs de ces restrictions et poursuivre les travaux ».

De son côté, l’Université du Québec à Montréal estime que les nouvelles demandes ministérielles la forcent « à revoir l’ensemble de sa planification immobilière sur un horizon de 10 ans ».

« Au cours des dernières années, l’Université a réalisé des investissements considérables pour rehausser les infrastructures de recherche, pour améliorer les milieux d’études et de vie et pour favoriser le maintien de ses pavillons de manière générale, et elle doit pouvoir continuer de le faire pour répondre aux besoins de sa communauté », a déclaré sa porte-parole, Jenny Desrochers.

Même chose à Concordia, qui souffre en plus cette année d’une baisse importante de ses inscriptions en raison de la hausse des droits de scolarité imposés aux étudiants non québécois.

« Nous avons annulé les projets qui étaient en phase de planification ou de design en attendant de mieux comprendre l’impact à court et long termes de la décision du gouvernement », a indiqué l’établissement. « Pour tous les projets suspendus, on parle de report, pas d’annulation du projet », précise-t-on.

Le cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, assure qu’il fera preuve « de flexibilité pour que les établissements soient en mesure d’honorer leurs engagements contractuels ».

« Le Ministère est à pied d’œuvre pour soutenir les réseaux dans cette période de transition et accompagner étroitement chacun des établissements dans la priorisation de leurs projets. »