Posted on 27/11/2024
Ces dernières semaines, le ministre de la Francisation, Jean-François Roberge, a répété qu’il n’y avait pas de «coupes» parce qu’il n’y avait jamais eu autant de cours. Or, «Le Devoir» a constaté que Francisation Québec ne parvient pas à offrir des cours partout où il y a des besoins.
Source: https://www.ledevoir.com/societe/824365/francisation-quebec-absente-plusieurs-regions
Certaines régions comme Lanaudière, l’Abitibi-Témiscamingue, le Bas-Saint-Laurent, la Jamésie et les Basses-Laurentides sont complètement privées d’alternatives en francisation depuis la vague d’annulations dans les centres de services scolaires (CSS).
Ces dernières semaines, le ministre de la Francisation, Jean-François Roberge, a répété qu’il n’y avait pas de « coupes » parce qu’il n’y avait jamais eu autant de cours. Les CSS, a-t-il répété, ne sont pas les seuls à offrir de la francisation, il s’en donne aussi dans les cégeps, les OBNL et les universités.
« On déploie des services, on redéploie des services, mais on francise aussi avec des dizaines et des dizaines d’autres partenaires », déclarait-il le 7 novembre, en réponse aux questions de l’opposition au Parlement.
Une semaine plus tôt, il avait souligné que son ministère avait ouvert 930 groupes à temps partiel à la fin septembre, 49 à la mi-novembre et que d’autres suivraient.
Or, Le Devoir a constaté que Francisation Québec ne parvient pas à offrir des cours partout où il y a des besoins.
Sur les 930 nouveaux groupes dont parlait le ministre, 629 ont été créés à Montréal, et 38 à Québec, 32 sur la Côte-Nord, 27 en Estrie et 35 dans les Laurentides. La très grande majorité des programmes de francisation sont offerts par des organismes à but non lucratif (88 %).
Mais il n’y a aucun groupe de français en Abitibi, dans Lanaudière, dans le Bas-Saint-Laurent et sur le territoire de la Baie-James. On n’en recensait par ailleurs qu’un seul dans toute la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, à Saint-Félicien, révèlent des données obtenues auprès du ministère de l’Immigration et de la Francisation.
Ailleurs, comme dans les Laurentides, aucun des 35 nouveaux groupes ne se trouve au sud du territoire, dans les Basses-Laurentides qui ont justement subi des coupes massives dans l’offre.
Quant aux 49 groupes additionnels créés à la mi-novembre à la grandeur du Québec, le ministère n’était pas en mesure d’indiquer où ils étaient situés au moment où ces lignes ont été écrites.
En Abitibi, c’est le « désert » depuis les coupes dans les CSS, explique Simon Roy, représentant syndical à la CSQ et enseignant à l’éducation des adultes. « Le ministre dit que le communautaire peut s’occuper de ça, mais en Abitibi, il n’y en a pas. […] On n’a pas de YMCA gros comme un hôtel ici. »
C’est la même chose à Chibougamau, en Jamésie, où une cinquantaine d’élèves suivaient des cours jusqu’à tout récemment.
La situation n’est pas plus reluisante dans le secteur de Saguenay. Quand les cours ont cessé au centre de services scolaire De La Jonquière le 8 novembre, « les enseignants ne savaient pas vers qui diriger les élèves », relate Nicole Émond, présidente du syndicat d’enseignement. Le Cégep n’offre pas de cours non plus.
Les constats sont les mêmes dans le Bas-Saint-Laurent. « Il y a aucune offre à court terme », explique Jean-François Gaumond, président du Syndicat de l’enseignement de la région de la Mitis. « On nous dit qu’à Rimouski, il y aurait une offre communautaire en préparation, mais c’est grand, le Bas-Saint-Laurent. À Amqui, Matane, Mont-Joli, c’est abandonné. »
Dans Lanaudière, aucun nouveau point de service ne s’est ajouté depuis la vague de fermetures de cours.
Dans les Laurentides, 35 groupes ont ouvert cet automne, mais les cours sont offerts soit au cégep de Saint-Jérôme, soit dans un organisme de Mont-Laurier, à 2 heures de route de Sainte-Thérèse, déplore Alain Marginean, directeur par intérim d’un organisme d’aide aux immigrants des Basses-Laurentides, ABL Immigration.
ABL Immigration et le Collège Lionel-Groulx, de Sainte-Thérèse, ont été sollicités pour offrir de nouveaux cours en remplacement, alors que ni l’un ni l’autre n’en offraient auparavant.
M. Marginean ne ferme pas la porte au projet, mais il trouve cela absurde. « Au lieu de faire affaire avec les CSS, ils font tout pour passer à côté. C’est la maison qui rend fou ! »
Questionné à ce sujet par Le Devoir, le Collège Lionel-Groulx indique que le projet est encore « à l’étape d’analyse ».
Les cégeps n’ont pas nécessairement la capacité à prendre le relais en francisation, selon leur Fédération. Ils « souhaitent » le faire et ont « l’expertise pour le faire », mais les ressources font défaut, selon Marie Montpetit, présidente-directrice générale de la Fédération des cégeps. « Le gouvernement nous place dans une position difficile : il nous demande d’augmenter le nombre de groupes de francisation pour suffire à des besoins criants, tout en nous empêchant d’accroître les heures d’enseignement pour offrir ces cours. »
Sur la cinquantaine de cégeps au Québec, seulement une minorité offrait des cours cet automne, montre un relevé réalisé par Le Devoir. Ils sont presque tous en ville. « Le mandat de francisation dans notre région est confié au centre de services scolaire », a notamment répondu le Cégep de Matane.
« Il est vrai que Francisation Québec a sollicité les cégeps pour ouvrir de nouveaux groupes en francisation à temps partiel, ce que peu de cégeps offraient déjà », a indiqué le Cégep de Drummondville, un des rares à offrir ce genre de cours à l’extérieur de la grande région de Montréal et de Québec.
Par ailleurs, les régions les plus éloignées ne sont pas toutes privées de services. Ainsi, sur la Côte-Nord, deux OBNL à Baie-Comeau et à Sept-Îles forment, en ce moment, près de 500 élèves.
« On répond très bien à la demande », avance Marjolaine Landry, de la Maison Alpha ABC Côte-Nord, à Baie-Comeau, qui souligne que le ministère ne leur refuse jamais de groupes. Cet automne, l’organisme a trois groupes de plus en francisation, pour un total de 26, tous à temps partiel.
Contrairement aux CSS, les OBNL qui font affaire avec Francisation Québec n’ont pas nécessairement la capacité de donner des cours à temps plein.
Par exemple, le centre R.I.R.E. 2000, qui fait de la francisation à Québec, utilise aussi ses locaux pour d’autres activités, explique la chargée de projet Sarra Ben Latifa. « Les locaux qu’on utilise sont partagés avec des services d’aide à l’emploi », dit-elle.